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13.30  Temps, matières, expériences : que reste-t-il après l’abandon de la ville ?

Autant que la mort pour l’individu, l’abandon semble être le destin inéluctable de toute ville. Lieu humain (et humanisé) par excellence, celle-ci subit une série de transformations majeures lorsqu’elle est délaissée par ses occupants. Si, d’une part, nous pouvons affirmer que l’abandon d’une ville détermine l’institution d’un « après » –post-apocalyptique, post-culturel, post-humain – d’autre part, visiter une ville abandonnée c’est accéder à un lieu multiple, où les temporalités autant que les matérialités s’entrelacent et se confondent suivant un mouvement complexe et irrégulier. 

L’objet de notre communication est de partager quelques réflexions traversant la mise en forme d’un projet d’ouvrage à plusieurs mains autour de la question des villes abandonnées. Né d’une méditation collective à la croisée entre l’anthropologie et la philosophie, ce projet vise à interroger l’expérience de la ruine et de l’abandon à travers un dispositif convoquant le texte et l’image photographique. Nous articulerons notre propos autour de la (re)visite de deux lieux singuliers ayant éprouvé la rupture et le délaissement, le village de Consonno (Italie) et la ville de Pripyat (Ukraine). Sur le mode de la déambulation libre, chacune de ces visites sera l’occasion d’une immersion dans les multiples strates temporelles et matérielles de ces lieux. 

Consonno a été le nom de différentes réalités qui se sont succédé sur un même lieu, situé le haut d’une colline de l’Italie du Nord. Petit hameau agricole habité par quelques dizaines de familles au cours de la première moitié du vingtième siècle, en 1962 il est presque entièrement détruit pour faire place à un projet de parc de divertissement voulu par un entrepreneur immobilier lombard. Depuis le milieu des années 1970, Consonno a connu une suite de ruptures qui ont déterminé son abandon progressif. À partir des expériences personnelles de la Consonno actuelle, Andrea Bordoli questionnera les relations que la ville, l’abandon et la ruine entretiennent avec l’être humain, ainsi qu’avec l’espace-temps dans lequel s’inscrit son existence. À travers une série de photographies prises au cours de différentes visites du lieu, il s’agira de faire dialoguer images et les réflexions autour de thématiques comme présence et absence, matérialité et mémoire, oubli et souvenir, temporalité et espace, nature et culture. 

Le 27 avril 1986, la ville de Pripyat, située à trois kilomètres de la centrale de Tchernobyl, est évacuée. Construite dans les années 1970, à une époque où les travailleurs de l'atome étaient considérés comme de véritables héros juste après les cosmonautes, elle incarne la promesse d’un avenir radieux contenu dans le projet nucléaire. À l’image de toutes les « Atomgrads » (villes de l’atome) érigées à travers l’union soviétique, elle matérialise une double conquête, à la fois urbaine et technologique. Prenant comme porte d’entrée l’histoire urbaine et politique de la genèse de Pripyat en tant que modèle de ville soviétique moderne, Maude Reitz mettra en perspective la question de la ruine et de la catastrophe à la lumière de la notion d’utopie. À partir d’un corpus d’images photographiques de l’architecture et du tissu urbain prises en 2008, il s’agira de proposer une lecture de la lente et inéluctable métamorphose de la ville qui se joue dans une dialectique entre création et destruction, présence et absence, conquête par la culture et reconquête de la nature, planification et chaos. 

Sur la base de ces visites, nous comparerons nos deux cas autour de la question de la

responsabilité culturelle que nous analyserons sous deux angles singuliers. Celui, premièrement, du rôle ambivalent de la nature, comme recouvrant l'histoire et comme mesure du temps qui passe, entre esthétique de la disparition et de l'abandon. Deuxièmement, celui de la notion de catastrophe industrielle, accidentelle dans un cas, et déclin économique dans l'autre.

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EPFL
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