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16.00  L’alternative patrimoniale et touristique synonyme d’une alternative politique dans la métropolisation ? Patrimoine industriel et patrimoine du logement social à Plaine Commune (banlieue parisienne)

Les politiques patrimoniales et touristiques, conséquence de l’alternative politique à l’heure du communisme municipal, sont devenues dans les interstices de la métropole « créative » un des principaux vecteurs. Il convient donc d’interroger les liens qui unissent – ou pas – l’alternative patrimoniale et touristique à l’alternative politique à l’heure de la métropolisation. Nous aborderons cette question à partir du terrain postindustriel de Plaine Commune, communauté d’agglomération en banlieue nord de Paris.  

Nous nous interrogerons sur l’application d’un modèle théorique éprouvé au Creusot ou en Lorraine sidérurgique : le déplacement de la lutte des classes, la lutte pour le travail industriel, à la lutte pour le patrimoine industriel.  

 

Concernant Plaine Commune, trois étapes peuvent être identifiées :  

• Une première dans les années 1980 se caractérise par la défense conjointe du travail et du patrimoine industriel.  

• Après la désindustrialisation, en réaction à laquelle se développe une politique touristique volontariste, et le tournant entrepreneurial des années 1990 domine la table rase. Cette époque est cependant marquée par l’affirmation d’une politique du patrimoine notamment archéologique, par les premiers inventaires du patrimoine industriel et par quelques sauvetages des vestiges de l’industrie.  

• Depuis le tournant « créatif » des années 2010, le patrimoine industriel connaît un réemploi capitaliste dominant, même si des destructions ont encore lieu.  

 

L’assimilation de la patrimonialisation de l’industrie à l’alternative politique fait question. D’une part, la signification politique de cette patrimonialisation apparaît. Lorsque le PS prend le département de Seine-Saint-Denis aux communistes, il supprime les expositions « Et voilà le travail ! » au nom de leur « ouvriérisme » et réoriente les visites d’entreprises de l’industrie vers les services. Mais, d’autre part, les vestiges les plus spectaculaires de l’ère industrielle sont récupérés comme icônes d’un capitalisme esthétique, comme l’illustre la Cité du cinéma à Saint-Denis.  

Toutefois une patrimonialisation de l’industrie porteuse d’une alter-métropolisation se maintient sur le territoire, répondant à trois critères :  

• les entrepreneurs du patrimoine sont des acteurs publics ou associatifs ; 

• le réemploi bénéficie à la collectivité, accueillant des services publics (ainsi l’ancienne usine Mécano de La Courneuve transformée en médiathèque) et/ou des associations (ancienne gare de la Plaine), voire devient le support d’un discours touristique dont les destinataires constituent les habitants ;

• la patrimonialisation de l’industrie accorde une place à la mémoire ouvrière.  

  

Dans ce contexte, le patrimoine qui porte le plus une alternative politique sur le territoire est celui du logement social. La reconnaissance (en général non institutionnelle) de la valeur architecturale et l’organisation de visites de logements sociaux constituent une alternative à la pratique majoritaire de la rénovation urbaine de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) (stigmatisation des grands ensembles, primat de la destruction-reconstruction, privatisation partielle des logements), sous-tendue par un déterminisme architectural et une philosophie néo-libérale. Cette alternative patrimoniale, portée par des habitants (à la cité Meissonnier à Saint-Denis et à la Maladrerie à Aubervilliers) et/ou par les institutions locales (à la cité-jardin de Stains et à la cité Renaudie de Villetaneuse), se caractérise comme :  

• opérationnelle : la rénovation du logement social y signifie réhabilitation ;  

• conceptuelle : elle rompt avec le déterminisme architectural et inverse sa logique en érigeant le patrimoine en levier d’une requalification des quartiers populaires, en jouant sur sa dimension symbolique ;  

• politique : elle fait vivre les utopies qui ont motivé la construction de ces logements sociaux.  

 

Bien que limitée à une minorité d’habitants anciennement installés et/ou politisés, elle étaye le scénario invoqué par David Harvey (2015) pour les luttes sociales confrontées à l’évolution néo-libérale du capitalisme : un déplacement des luttes du lieu de travail au lieu de résidence, de l’entreprise au droit à la ville.  

Nous assistons donc bien à Plaine Commune à un déplacement de la lutte politique vers le militantisme patrimonial, mais non pas tant sur le terrain de l’industrie que sur celui de l’habitat.

Participant.e
université de Strasbourg
Maître de conférences
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